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dimanche 12 décembre 2010

"Andreï Roublev" d'Andreï Tarkovski (1966) avec Anatoli Solonitsyne, Ivan Lapikov, Nikolaï Gringko

Une qualité de vibration particulière : douce, fine et acérée à la fois.
Par exemple, le chuintement régulier de la pluie dans plusieurs plans, la musique sur la séquence de nuit de sabbat, le sifflement de la longue scie de bûcheron qui se gondole à côté du jeune russe égorgé par le prince tatar.
La dernière partie -l'épisode intitulé "La cloche"-, autour de Boris, le jeune fondeur de cloche, est en quelque sorte une métaphore du travail de recherche (artisanale / artistique / mystique) de la bonne vibration, celui de l'art cinématographique tel que le conçoit Tarkovski. Une aventure à la fois individuelle et collective. En fait, Boris, sorte de "Bateleur" du Tarot de Marseille, n'est pas détenteur d'un secret de fabrication familial ; il fait juste de son mieux ce qu'il sait faire, avec son équipe, et suit son intuition.
Si je poursuis la métaphore cinématographique, le Grand Duc et les nobles italiens qui l'accompagnent, représentent peut-être les producteurs ; leur radotage superficiel lors de la séquence d'inauguration couvre le bruit du labeur de Boris…

Chez Tarkovski, l'épaisseur de l'espace est souvent rendue par le liquide : le rideau de pluie, les liquides qui se déploient dans la rivière…
L'eau et la terre donnent la boue. On peut s'y rouler, comme les paysans, au début, qui se disputent devant "l'auberge". On peut y travailler, y suer, comme Boris, qui y trouve là miraculeusement sa matière première idéale.
L'art, c'est, sur le plan terrestre, la maîtrise du feu. Gravé sur la cloche : Saint Georges qui terrasse le dragon (le feu).
Le feu, c'est l'épreuve. Le plomb fondu déversé par les Tatars dans la bouche du malheureux dans la cathédrale de Vladimir annonce le vœu de silence du peintre Roublev après le meurtre qu'il commet lors de cette séquence, et enfin la fusion du métal de la cloche du jeune Boris.
Et c'est par les cendres que Tarkovski fait la transition du film à la couleur dans la séquence finale sur les icônes de Roublev.

Des fondus au noir absolument magnifiques, uniques : irréguliers et dans leur durée et dans l'espace de l'image.

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