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jeudi 6 janvier 2011

"Zorba the Greek" de Michael Cacoyannis (1964) avec Anthony Quinn, Alan Bates et Irène Papas

Film sur la création, le processus créatif. 
Basile (Alan Bates) est un jeune écrivain en mal d'inspiration. A moitié grec, mais ayant toujours vécu en Angleterre, il vient en Crète pour prendre possession de l'héritage paternel, une mine de lignite à l'abandon.
J'aime beaucoup ce personnage : je me sens malheureusement proche de lui, mais surtout, il est aussi important que Zorba dans cette histoire ; celle d'une amitié qui scelle progressivement l'union 
des forces apolliniennes et dionysiaques, 
de l'intellect et du corps (tous deux ont un cœur, même si celui de Zorba est plus chargé, du fait de ses multiples expériences) 
de la raison et de la passion 
des pleurs et des rires 
du sublime et du trivial
de l'imaginaire et de la réalité. 
Mais si c'est Zorba qui donne son titre au film, c'est que l'initiation, pour Cacoyannis, est plus particulièrement celle du jeune écrivain : la réalité qu'il va vivre avec son mentor en création et son employé en affaires va s'avérer constituer… une mine pour l'écrivain qu'il est.

A ce propos, les scènes avec Madame Hortense sont très significatives :
Lorsque cette ex-fille de joie aux traits de vieux clown triste fait le récit de sa propre vie, c'est une histoire vraie, au romanesque évident (danseuse française de cabaret, échouée dans ce village perdu après avoir suivi un amiral, elle est la "veuve" joyeuse de trois autres amiraux), une matière riche (évocation sensuelle de parfums), mais contée de manière un peu inégale…
Lorsque l'écrivain en panne est supposé transmettre à l'amoureuse alanguie (et presbyte) les mots d'amour écrits par Zorba dans la lettre qu'il a reçue, le mensonge qu'il élabore est un conte "cliché", plutôt pauvre en chair.
Enfin plus tard, lorsque c'est à Zorba d'élucubrer quelque chose, de dévoiler son "secret" comme il dit, il le fait avec une verve et une magnificence plus orientale (la description de sa robe de mariée digne d'une princesse de conte de fée).
Dans ces deux dernières scènes, le jeu des deux héros ne laisse pas de doute sur le sens qu'a voulu  donner Cacoyannis.

De très belles scène de pure mise en scène, comme celle où la veuve (Irène Papas) regarde, de la position en hauteur où se trouve sa maison, à travers les draps blancs qui claquent au vent, les deux étrangers arriver dans le village, accueillis comme des princes.
Irène Papas est magnifique. "A big, beautiful, wild widow", comme la décrit très bien Zorba à son "patron-élève". Dans la scène où elle se fait houspiller par les hommes du villages, le sauvage Zorba a le courage de saisir sa chèvre et de la lui rendre, le civilisé Basile de lui offrir son parapluie (il pleut à verse lorsqu'elle sort après avoir craché son mépris aux hommes). 
"Boss, why did God give us hands ? To grab. Then grab !" conseille Zorba, adepte du carpe diem… 
Il pousse le jeune timide à foncer, prendre la belle veuve.
"Life is trouble…" dit-il encore, lui qui n'a pas peur de foncer, quitte à tout casser, comme les rondins à la fin du film.
Il l'avait averti, dans les premiers instants de leur rencontre : il fait des dégâts là où il passe. Basile se rendra chez la jeune veuve, provoquant le suicide du jeune villageois éconduit et la furie de la communauté villageoise décrite comme cruelle, cupide et attardée. Ni Zorba ni Basile ne sauront la sauver du lynchage.

Dans un film contenant peu d'afféteries, les quelques décalages de la bande-son avec la réalité sont intéressants :
- l'entrée en scène de Zorba au début. Du fait d'une tempête, le départ du bateau pour la Crète est retardé. On est avec Basile,  dans la salle d'attente du port, dehors il pleut à verse. Le son de la pluie baisse progressivement jusqu'à s'arrêter pratiquement ; c'est trop rapide et régulier pour être réaliste, ça attire logiquement le regard du jeune homme vers l'extérieur, mais on comprend vite que l'effet rendait plutôt une sensation intérieure du jeune écrivain : dehors, sous la pluie qui tombe toujours aussi drue, Zorba le fixe, le son direct revient à la normale, Zorba ouvre la porte de la salle d'attente et s'introduit, comme une tempête de vie, venant bouleverser le destin (voyage) du jeune intellectuel.
- lorsque Zorba revient de son escapade en ville, et demande à Basile, avec un sourire complice, "Boss, where were you last night ?" en tapant sur son xylophone : le son de l'instrument commence avant même qu'il le touche, et s'amplifie dans les plans suivants comme une musique extra-diégétique… 

"Xylo" en grec signifie "bois". 
Zorba sera incapable de maîtriser le bois dans un rapport d'exploitation économique, mais il sait le faire chanter pour faire danser… la terre entière puisque le sirtaki aurait été inventé sur le tournage !




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