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mardi 22 février 2011

"Single White Female" de Barbet Schroeder (1992) avec Bridget Fonda, Jennifer Jason Leigh, Steven Weber

Une fois n'est pas coutume dans ces petits carnets : un film médiocre.
J’ai eu l'impression que Barbet Schroeder (auteur de l'hallucinant documentaire "Général Idi Amin Dada : autoportrait") exécutait le scénario, lui-même plutôt faible (voire carrément mauvais à la fin, où il faut absolument qu'il y ait une explication avant le meurtre ultime du double mimétique).
Tout est un peu "cheap", comme cet effet de sonnerie du téléphone hors champ bien localisé sur la piste de gauche, où la musique de Howard Shore, très quelconque.
Jennifer Jason Leigh joue sur son registre habituel une dingue, Hedy, a nuisance : elle en fait des tonnes, et dans un sens, cela rend chaque apparition de Hedy encore plus insupportable.
J'ai bien aimé :
- le décor et son traitement : un vieil immeuble new yorkais, au sous-sol peu engageant, et aux ascenseurs en acier grinçant ; l'appartement où je me perds complètement (je ne sais pas si c'est volontaire ou si c'est juste ma perception d'handicapé du sens de l'orientation).
- Peter Friedman (ci-contre) qui interprète Graham, le voisin homo.
- le corps de Bridget Fonda !

Secondairement, le film a pour moi un autre intérêt. Il témoigne d’un phénomène patent : de plus en plus présentes sur nos écrans de cinéma, les histoires de jumeaux interpellent nos sociétés.
Il y a deux scènes en miroir où Hedy est… devant un miroir, avec son double : sa sœur jumelle au début, et Allie (Bridget Fonda) plus tard, à qui elle dit : « Toi, tu as de la classe ». On est dans le mimétisme le plus flagrant : croire que l’autre possède quelque chose qui nous manque, quelque chose d'aussi désirable que vague, qui fait de l’autre un modèle, puis un rival. Comme premier geste de violence, Hedy tue un chiot innocent (ci-contre), le bouc-émissaire de sa division intérieure.

La figure des jumeaux reflète probablement l’intuition que la violence mimétique des doubles fonde les civilisations humaines ante- et anti-chrétiennes.
Le psychologue français René Zazzo a consacré plus de vingt ans de sa vie en recherche sur les jumeaux. Son postulat de base est que nous sommes tous des jumeaux. Pour lui, ce sont les jumeaux qui représentent le mieux la situation de couple que nous connaissons tous, dans une multitude de situations depuis notre naissance. Les jumeaux sont des couples « excessifs » ou « par excellence », et il est d’autant plus facile d’y étudier des phénomènes qu’ils sont comme plus apparents dans cette population. Dans « Le jumeau, le couple et la personne », Zazzo écrit : « le couple de jumeaux est à considérer non comme un particularisme mais comme un cas particulier, cas limite d’une situation générale » : la situation de couple."
En particulier, chez les jumeaux, le double mimétique n’est pas une notion mais une réalité incarnée, prégnante dans leur identité. La rivalité et l’indifférenciation sont vécus quotidiennement dans la première cellule relationnelle des jumeaux. Dans « Les jumeaux face à l’Œdipe », Catherine Droehnlé-Breit constate qu’« au moment de la phase phallique, le jumeau semble venir prendre la place, habituellement réservée au parent du même sexe et se positionner comme rival par rapport au parent convoité. Dans une telle configuration, les jumeaux occupent deux pôles du triangle (…) le renoncement au parent du sexe opposé se fait correctement, mais le choix d’un objet sexué se trouve entravé par le co-jumeau qui reste un rival. »

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