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mercredi 9 février 2011

"Spellbound" d'Alfred Hitchcock (1945) avec Ingrid Bergman et Gregory Peck

J'aime bien me retrouver dans cette atmosphère "cosy" typiquement hitchcockienne. Tout est clean, classe. Les gens (bourgeois ou aristos) sont tirés à quatre épingles. Les intérieurs sont ordonnés. On se retrouve dans un foyer qui peut être accueillant comme un lit moelleux, frais et propre. On s'y glisse avec délice, sachant que Hitch va nous emmener dans des recoins inquiétants et sulfureux, au gré des souffles et des rumeurs.
Souffles et rumeurs qui ne manquent pas de venir troubler le calme apparent de cette clinique cossue. La "maison du Dr Edwardes", devrait plutôt s'appeler "le moulin du Dr Ewardes". Les portes y sont constamment ouvertes, les téléphones sonnent pendant les consultations, on y dort, on y mange ensemble…  
C'est dans cet univers paradoxal que vont se dérouler concomitamment la quête du moi et l'enquête sur le meurtre.

D'un côté, donc cette matrice du décor dans lequel le réalisateur nous plonge.
De l'autre, une prégnance du surmoi dans les enjeux du drame.

Ici, la bonne autorité est incarnée par le Dr Brulov (Michael Chekov, ci-contre), le professeur et mentor du Dr Constance Petersen (Ingrid Bergman). 
"Je serai l'image de votre père", dit-il d'ailleurs à John Ballantyne (Gregory Peck). 
Le Dr Brulov est une sorte d'avatar de Freud, en plus sympathique ; un Freud qui aurait troqué son cigare pour une pipe, et son accent autrichien pour un accent russe. 
"Freud est un idiot ?!" dit-il à l'amnésique Ballantyne, comme s'il lisait dans ses pensées. "Wise guy !", poursuit-il avec un sourire équivoque.
Ce schéma psy de relations entre les personnages est le ferment de scènes typiquement hitchcokiennes.
Comme celle où Constance vient retrouver John à l'hôtel. Dr Petersen scotomise l'histoire d'amour naissante avec son patient, en la balayant a priori comme une étape cliniquement nécessaire dans le processus psychanalytique, mais irréalisable. Cela donne cette scène où les paroles prudes et raisonnables du Dr Constance Petersen (qui disent "je suis là en tant que médecin") contredisent son comportement (baisers, soupirs).

Mais pour un film qui parle de choses cachées, je le trouve particulièrement évident, grossier :
- Scène un peu grotesque de descente à ski des "mariés virtuels", tout schuss en studio…
- Constance ne remarque que John a une marque de brûlure sur la main qu'à la moitié du film. 
- Pourquoi nous montrer deux fois le mot que John glisse sous la porte de Constance, alors que la première fois, on a amplement eu le temps de tout lire ?
- "Scène maïeutique" où ils cherchent des traces mémorielles du meurtre du Dr Edwardes. Ils sont de face. Elle derrière. Lui, le regard dans le vague de son passé. 

Son approche de la psychanalyse paraît aujourd'hui un peu primaire.
Et pour reprendre l'image que le film évoque à plusieurs reprises -"les portes de l'inconscient"-, il enfonce des portes ouvertes, avec la finesse de cette séquence où les portes s'ouvrent les unes après les autres dans le long couloir du subconscient de John.

Bref, je préfère quand l'intérêt d'Hitchcock pour les rouages de la psyché alimente ses films noirs, ses histoires de meurtriers, ses énigmes, ses films plus simples dans un sens, et plus dramatiques.

Autre pensée qui m'est venue en voyant le film : à cette époque (1945 !), on n'était pas encore dans le règne de la dérision.

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