Nombre total de pages vues

dimanche 15 juillet 2012

« La promesse » de Luc et Jean-Pierre Dardenne (1996), avec Olivier Gourmet, Jérémie Rénier


Merveilleuse découverte, il y a 15 ans, d’un couple de réalisateurs et de deux comédiens exceptionnels. 

Comme dans « The Night of the Hunter » de Charles Laughton (cf post du 24 mai 2012), « La promesse » est un récit initiatique dont la séquence fondatrice est celle où un adulte en passe de mourir demande à un garçon (ici adolescent) de lui faire une promesse, une promesse lourde, mais porteuse de vie.
Ici, c’est la séquence effroyable de l’accident d’Amidou (Rasmane Ouedraogo), le clandestin africain que Roger (Olivier Gourmet) fait travailler au noir. 
Igor (Jérémie Rénier), le fils de Roger, retrouve Amidou qui vient de tomber d’un échafaudage en voulant se cacher, lors d’une visite de l’inspection du travail. Amidou est manifestement très mal, Igor est paniqué. Amidou lui fait promettre de prendre soin de son épouse Assita et de leur bébé.
Quand Roger arrive et qu’il découvre la situation, il enterre Amidou. 
Et tel que c’est réalisé, avec finesse et assez d’ambiguïté pour laisser un doute, on a l’impression qu’Amidou, présenté avec humanité dans les scènes précédentes, est peut-être encore vivant, juste inconscient. Ce qui rend la 
réaction de Roger d’autant plus dure et froide. Et le point de vue qui relaie cette émotion est celui du jeune Igor, qui voit la terre jetée sur le corps encore chaud d’Amidou. 

Le film est très fort. Il y a une tension permanente créée par la manière de filmer, le scénario, le montage.
La tension principale étant celle créée par la promesse. 
« Pro mettere » signifie étymologiquement "avant d’envoyer, de laisser aller".
Avant de laisser aller, un lien crée une tension. Des paroles proférées annoncent un choix futur. 




Choix qui en l'espèce crée une autre tension, entre le fils et le père : Igor va devoir se démarquer de son père. 
Autre élément formel qui contribue à la tension générale : aucune musique. 

A part, celle, diégétique, dans la formidable scène du karaoké, quand le père et le fils chantent ensemble « Siffler sur la colline »[1] de Joe Dassin : emblématique de la qualité de leur interprétation.
Jérémie Rénier est spontané et juste. De manière générale, il a cette qualité primordiale pour un comédien : il est, comme un enfant, constamment dans le présent. 

Quant à Olivier Gourmet, en marchand de sommeil à lunettes à verres épais, il arrive à avoir du charme. 
Tous deux sont touchants. On est tellement loin de tous les acteurs m’as-tu-vu… 

Magnifiques panos à l’épaule dans la scène où Roger entre dans la chambre d’Assita (Assita Oueradrogo) pour lui ramener son radio-cassette réparé. Assita ne s’explique pas la disparition soudaine de son mari : Roger lui a caché sa mort.
La caméra panote de l’Africaine au Belge, en passant par un gri-gri.
Geste magnifique d’Igor qui sanglote et enlace Assita. 
Il vient de les aider, elle et son bébé malade, mais il n’est pas n’arrivé pas à la convaincre de partir en Italie. 
Paniqué à l’idée d’affronter son père, le jeune gars a craqué et s’est blotti contre elle comme un enfant. 
Déconcertée, Asita le repousse. 
Il y a ici toute la justesse du regard des frères belges. Un Français dans cette scène aurait ajouté du romanesque, pour surligner. 

Dans la troisième partie du film, on respire : on n’est qu’avec Igor, qui accompagne Assita et son bébé à Cologne (ci-dessus). 

La veste d’Igor marque son côté enfantin.

Fin absolument sublime, dans son honnêteté et sa sécheresse, quand Igor apprend finalement à Assita la vérité sur le sort de son mari. Elle est de dos (ci-contre), en contre-plongée, en train de monter des escaliers débouchant sur l’extérieur. Elle s’arrête. 
Le bruit ambiant, à consonances métalliques, du tunnel de métro où ils sont, comme seuls, acquiert une force irréelle…




[1] Chanson souvent chantée avec mes filles…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire