Voilà une réalisatrice française qui fait du cinéma. La collaboration de Claire Denis avec le chorégraphe Bernado Montet est pour moi exemplaire.Voir des corps, même dans des uniformes, faire des mouvements ritualisés, ça me fascine. Les scènes d'entraînement m'ont captivé : torses nus, corps musclés souvent déliés, chacun ayant sa façon de franchir les obstacles, avec plus ou moins de souplesse, d'aisance…
Combinaison (qui est la marque de Claire Denis dans ses meilleurs films) entre un réel capté de manière assez brute, peu stylisée, "documentaire" (surtout l'action et les civils de Djibouti), et une manière "cérébrale" où la narration (de nombreux aller-retour entre le présent et le passé qui rendent les fluctuations de la pensée du narrateur, l'adjudant Galoup, joué par Denis Lavant), le montage, la musique, la voix off, les travellings latéraux, confèrent une tonalité sombre et menaçante au film.
Mais selon moi, ce frottement entre la réalité documentaire de l'action et une personnalisation marquée de la forme ne fonctionne pas dans la deuxième scène de tai chi, avec la musique tonitruante de "Billy Budd" de Benjamin Britten (opéra pour voix d'hommes uniquement).
Magnifique plan du nomade au chameau, qui retrouve Sentain (Grégoire Colin) agonisant dans le désert de sel. On peut être réalisateur français et filmer autre chose qu'un appartement parisien. Claire Denis a une place singulière dans la production française actuelle, et certains de ses films, comme celui-ci, m'ont marqué par leur beauté plastique, leur approche sensuelle du réel, leur travail sur les corps.
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