Les rapports entre les personnages sont complexes, denses.
Will Kane (Gary Cooper) paraît distant lors de son mariage avec la jeune quaker Amy Fowler Kane (Grace Kelly).
Etonnante au premier abord, cette distance s'avèrera tout à fait cohérente avec le personnage de Will.
C'est la distance d'un homme qui vit pour quelque chose qu'il estime plus important que lui, et auquel il va demeurer fidèle envers et contre tous. Au point qu'en deux heures (le temps du récit est pratiquement le temps réel), il va se retrouver seul, quitté par sa femme, abandonné par tous, et rédigera son testament avant l'ultime confrontation.
(Le film aurait donné naissance à l'expression "to be high noon", "être complètement seul avec de gros problèmes"…)
Will Kane est un vrai héros américain, mais un héros du western à son post-zénith.
Pas encore le héros las du crépuscule du western, mais un héros vieillissant, fatigué. Sur le point de rendre son étoile.
Beau plan sur les roues du chariot qui emportent à toute allure les "just married" : Will Kane, qui devait rendre son étoile de shériff le soir même, refuse (étape classique du parcours du héros) la confrontation avec Frank Miller, un bandit qu'il avait autrefois condamné et qui arrive par le train pour se venger.
Mais très vite, l'enjeu du défi pour Will le rattrape : il ne peut pas fuir. "I got to, that's the whole thing", dit-il à son épouse, avant de rebrousser chemin vers Hadleyville.
Will raccroche son étoile et dit à Amy :
- "I'm the same man, with or without this.
- Do you ?…
Don't try to be a hero! You don't have to be a hero, not for me!".
Will choisit seul, même contre sa femme.
La confrontation du justicier Will avec le juge Mettrick (Otto Kruger), fait écho au mythe vieillissant de l'Ouest vs l'inéluctable civilisation venant de l'Est.
Pour le juge, "this is just a dirty little village in the middle of nowhere. Nothing that happens here is really important.".
"Get out !" lui hurle Will.
Son adjoint est le jeune Harvey (Lloyd Bridges, ci-contre).
C'est un ambitieux qui entretient un rapport mimétique avec Will : il voudrait devenir shérif à sa suite. Will est son modèle et son rival.
La scène de bagarre entre les deux est d'une intensité (dans les pattes, énormes en gros-plan, des chevaux agités) et d'une violence étonnantes.
Le troisième personnage du triangle mimétique est l'ex de Will et la maîtresse actuelle de Harvey : Helen Ramirez (Katy Jurado).
Plus mûre et plus forte que Harvey, c'est une femme d'affaires mexicaine, de la même trempe que Will.
Tous deux ont d'ailleurs gardé une complicité qui n'échappe pas à Amy, la jeune Quaker. Cela donne lieu à cet échange :
Plus mûre et plus forte que Harvey, c'est une femme d'affaires mexicaine, de la même trempe que Will.
Tous deux ont d'ailleurs gardé une complicité qui n'échappe pas à Amy, la jeune Quaker. Cela donne lieu à cet échange :
Helen : "What kind of woman are you. How can you leave him like this ? Does the sound of guns frighten you that much ?"
Amy : "I've heard guns. My father and my brother were killed by guns. They were on the right side but that didn't help them any when the shooting started.
My brother was nineteen. I watched him die. That's when I became a Quaker. I don't care who's right or who's wrong. There's got to be some better way for people to live. Will knows how I feel about it."
"Do not forsake me Oh my darling"…
J'adore ce morceau de Dimitri Tiomkin…
Helen conseillera à Will de fuir : "I can't", répète-t-il, comme un héros tragique.
Will lui-même a un modèle (la figure classique du Mentor) : Martin Howe (Lon Chaney Jr, ci-contre), qui commente ainsi l'attitude lâche des citoyens : "People gotta talk themselves into law and order before they do anything about it. Maybe because down deep they don't care. People just don't care."
Formellement, le temps est le comme le fil rouge du film. Il nous garde littéralement en suspens à l'horloge, dans l'imminence du danger.
("I'll be back in five minutes", dit Will).
La bande-son qui fait les liens entre chaque séquence est extraordinaire : variations sur le tic-tac pendulaire du compte à rebours.
Produit par Stanley Kramer, "High Noon" est une dénonciation du maccarthysme de l'époque. Juste après sa sortie, son scénariste Carl Foreman fut placé sur la liste noire.
C'est aussi quelque part une sombre et brillante anticipation du direct télévisuel.
Le titre a été opportunément repris par France 2 pour une émission politique célèbre des années 80 : "L'heure de vérité" (sens figuré de l'expression "High Noon").
Selon les plans sur l'horloge, l'action du film commence à 10h40, et se termine juste après le plein midi ("high noon"), soit la durée du film.
Les gens à l'hôtel, se transforment, avec nous, en un public de voyeurs : "Ça va barder, on veut voir ça !" L'hôtelier à Amy, qui s'en va : "Now, me, I wouldn't leave this town at noon for all the tea in China. No, sir, it's going to be quite a sight to see!"
Et comme avant toutes les grands messes télévisuelles, tout s'arrête en ville avant l'arrivée du train…
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