Ouf ! Ça fait du bien ! Heureusement qu'il y a Capra pour souffler son idéalisme généreux dans la planète cinéma… Aujourd'hui peut-être plus que jamais. Avez-vous eu votre Capra aujourd'hui ?
Le film est mené "tambour battant". Capra va à l'essentiel, avec énergie, verve et efficacité.
Longfellow Deeds (Gary Cooper) est un jeune provincial. Il aime jouer au tuba. Il est sain : ne boit pas, ne fume pas…
"He is as naive as a child" dit John Cedar (Douglass Dumbrille, ci-contre au milieu) l'avocat véreux new yorkais qui lui apprend qu'il a hérité de 20 millions de dollars.
Une nuit pluvieuse dans Manhattan, Deeds tombe amoureux d'une jeune passante (Jean Arthur) qui (feint de) tombe(r) dans les pommes. Il l'emmène dans un bon restaurant et, par l'échange suivant, on comprend ce qui le touche :
- Louise "Babe" Bennett : "I'm just a nobody".
- Longfellow Deed : "You were a lady in distress, weren't you ?"
A "nobody", comme Deeds, déclinaison savoureuse du héros récurrent de Capra : citoyen lambda, inconnu. Capra veut montrer "qu'un homme simple et honnête, acculé dans un coin par une bande de rapaces sophistiqués et roublards, peut, s'il le veut, puiser au plus profond de ses ressources que Dieu lui a données et y trouver suffisamment de courage, d'esprit et d'amour pour triompher de son entourage. Ce thème prévalut dans les films que je devais faire par la suite, à l'exception de deux. C'était le cri de révolte de l'individu écrasé par la civilisation de masse - la production de masse, la pensée de masse, l'éducation de masse, la politique de masse, la richesse de masse, le conformisme de masse." (Franck Capra, "Hollywood Story").
Mais aussi ce "nobody" permet la projection sentimentale pour le bon Samaritain qu'est naturellement Deeds (il la voit en "lady in distress", alors que c'est une journaliste masquée en quête de scoop).
Dans son bled, Deeds écrivait des bouts rimés pour les fabricants de cartes postales. Il a choisi ce restaurant parce qu'il est fréquenté par des gens de lettres, et dit souhaiter en rencontrer. Il se fait inviter à une table d'écrivains en vogue. S'ensuit une savoureuse et pétillante scène dont Capra a le secret, où les gens d'esprit se moquent du poète du dimanche. On ne peut être que du côté de l'authentique, digne et clairvoyant Longfellow, qui se fâche et quitte leur table en leur disant : "All famous people are not big people". C'est la leçon qu'il en retient. Deeds manifeste ainsi l'humilité de l'apprenti, et nous donne vraiment envie de le suivre dans son combat.
"L'homme honnête promène avec lui son propre magnétisme, sa propre couronne, sa propre armée, sa propre richesse, son propre bonheur et son propre standing. Tout est contenu dans le plus noble de tous les titres - celui d'homme honnête. Longfellow Deeds, de Mandrake Falls, était de ceux-là", écrit Capra.
- Louise "Babe" Bennett : "I'm just a nobody".
- Longfellow Deed : "You were a lady in distress, weren't you ?"
A "nobody", comme Deeds, déclinaison savoureuse du héros récurrent de Capra : citoyen lambda, inconnu. Capra veut montrer "qu'un homme simple et honnête, acculé dans un coin par une bande de rapaces sophistiqués et roublards, peut, s'il le veut, puiser au plus profond de ses ressources que Dieu lui a données et y trouver suffisamment de courage, d'esprit et d'amour pour triompher de son entourage. Ce thème prévalut dans les films que je devais faire par la suite, à l'exception de deux. C'était le cri de révolte de l'individu écrasé par la civilisation de masse - la production de masse, la pensée de masse, l'éducation de masse, la politique de masse, la richesse de masse, le conformisme de masse." (Franck Capra, "Hollywood Story").
Mais aussi ce "nobody" permet la projection sentimentale pour le bon Samaritain qu'est naturellement Deeds (il la voit en "lady in distress", alors que c'est une journaliste masquée en quête de scoop).
Dans son bled, Deeds écrivait des bouts rimés pour les fabricants de cartes postales. Il a choisi ce restaurant parce qu'il est fréquenté par des gens de lettres, et dit souhaiter en rencontrer. Il se fait inviter à une table d'écrivains en vogue. S'ensuit une savoureuse et pétillante scène dont Capra a le secret, où les gens d'esprit se moquent du poète du dimanche. On ne peut être que du côté de l'authentique, digne et clairvoyant Longfellow, qui se fâche et quitte leur table en leur disant : "All famous people are not big people". C'est la leçon qu'il en retient. Deeds manifeste ainsi l'humilité de l'apprenti, et nous donne vraiment envie de le suivre dans son combat.
"L'homme honnête promène avec lui son propre magnétisme, sa propre couronne, sa propre armée, sa propre richesse, son propre bonheur et son propre standing. Tout est contenu dans le plus noble de tous les titres - celui d'homme honnête. Longfellow Deeds, de Mandrake Falls, était de ceux-là", écrit Capra.
"New york new Cinderella Man". Avec Capra, on passe du conte de fée à la comédie sociale.
Capra croit vraiment que les Etats-Unis sont un pays où tout est possible. Le rêve américain. La démocratie.
La tentation du repli sur soi est illustrée dans la scène où Deeds, découragé, dit renoncer à tout, y compris à son héritage. A ce moment, un pauvre fermier arrive de nulle part avec un flingue et aboie sa colère avant de s'effondrer, en larmes.
Avec son beau scénario, Capra nous emmène toujours plus haut, et de la comédie sociale, on passe à la métaphore christique.
"Crucified" revient plusieurs fois dans la bouche de ses amis pour qualifier son sort ("I'm crucifying him" dit Babe).
Dans une scène qui évoque l'épisode de la multiplication des pains, Longfellow fait acheter des sandwichs pour la foule de paysans affamés venus s'inscrire à son programme de redistribution de sa fortune.
Comment Capra arrive-t-il à me faire adhérer aux propos simples et vrais de ses personnages, en évitant l'écueil du ridicule ?
D'abord par le choix même de la comédie comme style.
Et aussi en créant des personnages idéalistes qui ne sont pas "bêtement" positifs.
Longfellow Deeds évidemment ; mais aussi "Babe" (tout ce qu'elle dit à sa copine est vrai, important).
Et Gary Cooper est tellement charmant, ses yeux, ses clins d'œil…
Cob (Lionel Stander, ci-contre), son "démon gardien" râblé, est également très attachant : "You gotta fight".
Tous les seconds rôles sont bons. Le juge par exemple, interprété par H.B. Warner, qui dira finalement, à la fin du procès : "You are the sanest man who ever came into this court room".
"Nous, les "idéalistes", écrit Capra, "nous affirmons avec un certain sens de l'euphémisme appartenir à l'école de la "bouteille à moitié pleine", par opposition à celle de la "bouteille à moitié vide", que nous appelons aussi, moins gentiment, l'école de la "poubelle",
parce que les films de ceux qui appartiennent à cette école dépeignent la vie comme une ruelle nauséabonde pleine de chats de gouttière, qui passent leur temps à fourrager dans les poubelles, et l'homme comme un animal moins noble que la hyène. Les poubellistes, de leur côté, nous traitent de porteur de lunettes roses, d'indécrottables fabricants de mélo et d'amateurs de contes de fées."
Capra croit vraiment que les Etats-Unis sont un pays où tout est possible. Le rêve américain. La démocratie.
La tentation du repli sur soi est illustrée dans la scène où Deeds, découragé, dit renoncer à tout, y compris à son héritage. A ce moment, un pauvre fermier arrive de nulle part avec un flingue et aboie sa colère avant de s'effondrer, en larmes.
Avec son beau scénario, Capra nous emmène toujours plus haut, et de la comédie sociale, on passe à la métaphore christique.
"Crucified" revient plusieurs fois dans la bouche de ses amis pour qualifier son sort ("I'm crucifying him" dit Babe).
Dans une scène qui évoque l'épisode de la multiplication des pains, Longfellow fait acheter des sandwichs pour la foule de paysans affamés venus s'inscrire à son programme de redistribution de sa fortune.
Comment Capra arrive-t-il à me faire adhérer aux propos simples et vrais de ses personnages, en évitant l'écueil du ridicule ?
D'abord par le choix même de la comédie comme style.
Et aussi en créant des personnages idéalistes qui ne sont pas "bêtement" positifs.
Longfellow Deeds évidemment ; mais aussi "Babe" (tout ce qu'elle dit à sa copine est vrai, important).
Et Gary Cooper est tellement charmant, ses yeux, ses clins d'œil…
Cob (Lionel Stander, ci-contre), son "démon gardien" râblé, est également très attachant : "You gotta fight".
Tous les seconds rôles sont bons. Le juge par exemple, interprété par H.B. Warner, qui dira finalement, à la fin du procès : "You are the sanest man who ever came into this court room".
"Nous, les "idéalistes", écrit Capra, "nous affirmons avec un certain sens de l'euphémisme appartenir à l'école de la "bouteille à moitié pleine", par opposition à celle de la "bouteille à moitié vide", que nous appelons aussi, moins gentiment, l'école de la "poubelle",
parce que les films de ceux qui appartiennent à cette école dépeignent la vie comme une ruelle nauséabonde pleine de chats de gouttière, qui passent leur temps à fourrager dans les poubelles, et l'homme comme un animal moins noble que la hyène. Les poubellistes, de leur côté, nous traitent de porteur de lunettes roses, d'indécrottables fabricants de mélo et d'amateurs de contes de fées."
"Don't let anybody hurt you", dit Babe à Deeds en le quittant. Avant d'ajouter : "They can't anyway : you're much too real".
Le film terminé, je pourrais reprendre ces phrases à l'adresse de maître Capra : "Don't let anybody hurt you. They can't anyway : you're much too real"…
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