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vendredi 8 avril 2011

"Frenzy" d'Alfred Hitchcock (1972) avec Barry Foster, Jon Finch, Alec McCowen

Dans "Frenzy", on a perdu le "chic chaleureux" du noir et blanc de la période américaine de Hitchcock. En retournant dans sa patrie anglaise, Hitchcock donne à son film un côté moins léché, moins brillant. L'image, les décors, les comédiens, tout est plus froid, plus terne que d'habitude.
Ce n'est pas son film le plus réussi, mais en restant fidèle à lui-même, Hitchcock réalise quelque chose qui est dans une tension à la fois conservatrice et avant-gardiste.

Robert Rusk (Barry Foster), le personnage principal, est un anti-héros : un "sex murderer", soit une variante commune de ce qui est devenu, quarante ans plus tard, une figure éculée, le serial killer. 
La première victime de Rusk est Brenda (Barbra Leigh-Hunt), une femme divorcée. En ce début des années 70, à l'heure où l'institution du mariage vole en éclats psychédéliques, Hitchcock choisit d'en faire la directrice d'une agence matrimoniale.
Son ex-mari, Richard (John Finch) est un ancien pilote de chasse qui vient de se faire virer de son emploi de barman.
Apparemment, il a l'alcool mauvais. Lorsqu'ils déjeunent ensemble au club de Brenda (ci-contre), Richard lui balance, en brisant un verre dans son poing :
"You're good at business. If you can't make love, sell it. The respectable kind, of course. The married kind."
Physiquement pourtant, John Finch dégage quelque chose d'honnête, de "straight".
Rusk, c'est l'inverse : affable blond vénitien à rouflaquettes et mise en plis, toujours tiré à quatre épingles, il est maraîcher et croque des pommes. Pourtant Barry Foster, qui l'interprète, dégage quelque chose d'immédiatement… tordu. 
Cet inquiétant personnage se rend à 


l'agence de Brenda sous une fausse identité, et dit chercher une femme… avec certaines particularités. "In my trade, there is a saying : don't squeeze the goods till they're yours." 
Et d'étrangler bientôt Brenda avec sa cravate, dans une scène de viol meurtrier étrangement stylisée. Pendant un moment, ni l'un ni l'autre ne bouge : la victime récite un psaume,   le pervers répète "lonely", "lonely"… C'est étonnant et fort. Puis la représentation devient obscène, avec un gros-plan sur la strangulation, jusqu'à ce plan sur Brenda, langue pendue et croix bien apparente.

Comme si par ce geste de "necktie murderer",  Hitchcock signait la fin d'un monde, collet monté, distant, retenu… et civilisé.

D'ailleurs juste après, Richard, soupçonné par la police, emmène son amie Babs dans un hôtel, où le portier lui demande illico : "Do you need something at the pharmacy ?".

Plan-séquence remarquable : Rusk emmène une future victime chez lui en lui disant "You're my type of woman". Il referme la porte, la caméra repart en arrière, créant une effet étonnant d'"obscenité" de réalisation, rendue cependant génial par la bande-son : le son direct, du silence des escaliers en marche arrière jusqu'au brouhaha de la rue, a en fait une efficacité effroyable sur le spectateur (c'est tout ce qui intéresse Hitchcock) : le meurtre est parmi nous. Comme dans l'espace de "Alien", dans le Londres de "Frenzy", vous pouvez toujours crier, personne ne vous entendra…

Autre scène qui semble annoncer une scène d'une œuvre marquante : quand le Chief Superintendent Oxford (Alec McCowen), dégoûté, plante ses couverts dans la poitrine de la la caille au raisins préparée par sa femme, férue de cuisine française, j'ai pensé à "Eraserhead" de David Lynch

Plus évidente est l'influence d'Hitchcock sur les Frères Coen : dans un camion de pommes de terre, Rusk casse les doigts du cadavre de sa victime pour récupérer son épingle. Le réel des meurtres est résistant et scabreux.

Le sergent Spearman est joué par Michael Bates, qui, un an avant, interprétait le gardien-chef de "Clockwork Orange".
Avec Oxford, autre inspecteur moustachu, il accomplit le rituel du breakfast anglais en échangeant des vues sur les motifs psychiatriques de ces meurtres (commis par des impuissants).
Et lorsque sa femme essaie de deviner ce que le serial killer a retiré des doigts serrés de sa victime ("Not a cross !"), Oxford répond : "Why not ? Religion and sexual maniac are closely related."
Le dernier plan sur lequel s'inscrit le générique de fin semble assumer cette thèse : la malle que Rusk a laissé tomber (il allait y dissimuler le cadavre de sa dernière victime) évoque un cercueil, et le cadrage sur le renforçage en zinc fait apparaître une croix.

1 commentaire:

  1. Très bien ce petit blog. Voilà un blog comme je les aime. Pourquoi ne suis-je pas tombée sur vous plus tôt. En tout cas continuez parce que c'est exactement les infos et le style d'articles que j'aime. En plus c'est joli et on voit que vous y mettez le coeur ! Bravo.
    agence matrimoniale

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