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dimanche 11 février 2024

"Design for Living" d'Ernst Lubitsch (1933) avec Gary Cooper, Fredric March et Miriam Hopkins

(Ces notes datent de 1988…)

Lubitsch est un magicien du cinéma. À nouveau, il prouve ici que tout est dans le style, le « je-ne-sais-quoi » qui nous rend heureux à la vue de ses films. Un réel enchanteur.


J'ai mis un peu de temps à être hypnotisé : la scène de la rencontre dans le train m'a paru trop appuyée, avec le jeu volontairement gauche, à la limite du benêt, de Gary Cooper. Fredric March, qui incarne son ami et rival, est fabuleux : belle gueule et plus nuancé. Miriam Hopkins est adorable et ses soupirs, ses yeux plissés dans un sourire tendre, rappellent le charme de Ulla Jacobson de Sourires d’une nuit d’été de Bergman.


Lubitsch ne pouvait abandonner trop longtemps ses deux artistes dans la misère. D’où leur réussite-éclair qui nous permet de les suivre en toxédo aux premières théâtrales londoniennes ou (dans le même accoutrement) à la table d'un petit déjeuner amène dans un luxueux appartement parisien. Chapeaux haut-de-formes, gants blancs, alcool et domestiques en livrée, dans une ville cosmopolite, sont les petits ingrédients préférés de l’univers lubitschien. D’un coup léger de baguette magique, nous voilà rêvant de pouvoir partager la bohème heureuse et opulente du trio (à la fin).

Surtout que le trio devient diablement sympathique. Les variations, les cris autour de « Mr Barrington » rappellent la bonne humeur effrontée qui fuse d'une classe d'adolescents excités dans leur meilleur jour. C'est un type d’humour - celui de joyeux lurons emmerdeurs - que l'on voit rarement au cinéma.

Les décors sont très importants chez Lubitsch et contribuent à la jouissance que ressent le spectateur en évoluant dans ce milieu romanesque.

Design for Living est emblématique dans l'œuvre de Lubitsch dans la mesure où bonheur et mélancolie y sont consubstantiels. 

Les trois personnages sont à la fois heureux, drôles, et tristes, insatisfaits, meurtris par cet amour imparfait… Jusqu'au happy end ou tout s’arrange artificiellement et où le comique, le manque de sérieux, triomphent : ce happy end, impossible dans la réalité ou en tout cas ne pouvant constituer la garantie d’un bonheur éternel, est perçu pourtant comme tel car l’essence du film est comique.


Il faut encore parler d’un des thèmes traités avec une telle grâce, un tel naturel, par Lubistch : le sexe. Miriam Hopkins nous est rendue désirable, assez insidieusement, dès le début. Lorsqu’elle aborde le sujet très directement lors du « gentlemen agreement : no sex ! », nous sommes alors à la fois étonnés et soulagés par son franc-parler.

Ce film (comme pratiquement tous les Lubitsch) est un modèle de réponse aux attentes du spectateur.

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