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jeudi 17 mars 2011

"La Nina Santa" de Lucrecia Martel (2003) avec Maria Alché, Julieta Zylberberg, Carlos Belloso, Mercedes Moran

J'ai aimé comment Lucrecia Martel, de manière purement cinématographique, me plonge dans un milieu, en me laissant le soin de comprendre peu à peu les liens entre les personnages :
- l'absence d'intimité : un hôtel.
- des relations plutôt froides.
- un surmoi prégnant (la culture argentine ?) malgré le sujet "mystique" et la société matérialiste, scientiste, qui peuple l'hôtel de province. 

On est pris dans un tourbillon de gens, d'appels, de situations.

Mais le film est aussi ponctué de longues séquences indolentes. Elles incluent souvent des scènes d'intimité, filmées en gros-plan, qui sont comme des grosses bulles, où Martel prend par exemple le temps de capter les perceptions de "la fille sainte", l'adolescente Amalia (Maria Alché, ci-dessous).
L'effervescence des relations entre Amalia et sa copine Josefina  (Julietta Zylberberg), les statuts sociaux explosés (une cuisinière qui est également kiné), les rapports scindés mère-fille (mort-meurtre) : la réalisatrice argentine crée un objet cinématographique actuel, où le réel est éclaté.
A cette approche formelle correspond la sollicitation constante et tous azimuts du désir ; cela donne lieu à des rencontres impromptues, comme ce voisin qui débarque par la fenêtre de Josefina, ou la femme de chambre qui arrive avec un désodorisant.

Un désodorisant ? Autour de la "Nina Santa", l'air est pur, ou à purifier. 


Lucrecia Martel travaille sur les ondes, comme Paradjanov ou Sokourov (cf posts antérieurs). Je trouve ça toujours passionnant.
Les gens chantent sous la douche, ou dehors. 
On apprend que la mère du médecin libidineux -le Dr Jano (Carlos Belloso, ci-contre)- aimait chanter. 

Quant à Helena (Mercedes Moran), la mère de la nina santa, elle a des acouphènes.

Amalia et Josefina se livrent à diverses expériences sensorielles sollicitant l'ouïe mais aussi la vue, le goût…

Mais elles baignent (et nous avec) dans de mauvaises ondes : celles, petites, vibrionnantes, du mal-être, de l'agressivité ou de la peur.
Ondes de la radio, de la télé ("Vous dormez avec la télé, ou de la musique ?")

Son sinueux, ondoyant, de la scie musicale virtuelle d'un étrange musicien de rues.

Jamais de silence. Toujours au minimum, en fond sonore, des conversations marmonnées, le ronronnement de la rue…

Cette circulation désordonnée d'ondes semble avoir un effet corrosif sur les choses : rouille et vert-de-gris de l'hôtel thermal, vétuste et glauque…

"Pollution", pour Helena, des sollicitations téléphoniques de la maîtresse de son ex-mari.

Agitation narcissique du Dr Vesalio (Arturo Goetz), le chirurgien qui dirige le congrès,

Agitation oiseuse de Freddy, l'oncle d'Amalia, lui aussi divorcé : en narcissique papillonnant, il passe d'une chose à l'autre, appelle ses enfants en pensant à tout et n'importe quoi, ne répond pas à "la Chilienne" (son ex-femme)…
Allées et venues exaspérées.
Allées et venues virtuelles de la drôle de prof de catéchisme, qui est toujours là sans être là…

Même le casting de la sainte Amalia est corrompu : Maria Alché, avec sa moue sensuelle, son regard par en-dessous, semble un appel au vice…

Avant de se masturber, elle reste quelques secondes devant sa télé, où il n'y a qu'un écran de "neige" ; neige qui est la traduction du "bruit de fond" du récepteur, agitation thermique (et autre) amplifiée au maximum en l'absence de signal vidéo.

Une "fille sainte" en l'absence de signe divin ?

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