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mercredi 16 mars 2011

"Un prophète" de Jacques Audiard (2008) avec Tahar Rahim, Niels Arestrup, Adel Bencherif

Excellente scène au début où le groupe de détenus corses oblige le jeune Malik (Tahar Rahim) à "accepter" de tuer un prisonnier arabe. La caméra colle au héros, livide. La rupture de rythme instaurée par le chef César (Niels Arestrup) dans la manipulation crée une accélération efficace de la menace violente.

Scène inoubliable (ci-dessous), sur une musique douce, où Malik s'entraîne, devant la glace, à garder une lame de rasoir dans sa bouche. C'est d'autant plus insupportable, et intéressant, qu'Audiard a su me rapprocher de Malik, et que je m'identifie au pauvre gars : il n'a rien d'un tueur, mais il est contraint à tuer s'il veut survivre, et il s'apprête à tuer un inconnu dans un "bouche à corps" qui s'annonce effroyable. 

Audiard traduit bien l'enfer de la violence carcérale.

A tel point que l'irruption des séquences oniriques, fussent-elles des cauchemars de Malik, est bienvenue.
Et les belles scènes où l'on est dans sa tête, comme dans une bulle : lors d'une permission, ou après la fusillade de la fin, quand il est sourd.
Le scénario est excellent. L'incarnation parfois moins.
Car c'est un film réaliste, qui se passe en France, pays plutôt mou en ce moment.
De manière générale, les acteurs corses ont l'énergie nécessaire, et ceux d'origine arabe sont meilleurs que les autres.  Tahar Rahim est une révélation (bravo Audiard), et Reda Kateb (ci-contre) qui interprète Rodi, le taulard gitan, est excellent.
Les autres ? Je pense à certains seconds rôles "français" qui ont la prestance et le jeu d'acteurs de courts métrages : comme le procureur, qui semble réciter son texte lorsqu'il accorde à Malik une permission de sortie.
Et puis il y a ce problème dans le cinéma français actuel : où sont les voix viriles ? 90% des Français ont apparemment des voix fluettes, trop haut perchées pour les rôles de durs qu'ils sont supposés interpréter.
"Un prophète" est un grand film qui se distingue justement dans la production française actuelle par sa poigne, son efficacité, et l'authenticité de sa description d'un milieu clôt (un peu comme quinze ans plus tôt "Les Patriotes", objet de mon dernier post). Ces petits bémols, ressentis uniquement lors de ma deuxième vision, me rappellent qu'il est périlleux de vouloir faire en France des films de genre, pour faire court, "à l'américaine".

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