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lundi 14 mars 2011

"The Wrestler" de Darren Aronofsky (2008) avec Mickey Rourke, Marisa Tomei et Evan Rachel Wood

Ici comme dans "Black Swan", le casting d'Aronofsky est déterminant.
Randy "The Ram" (le bélier) a failli être interprété par Nicolas Cage. Cage aurait sûrement fait quelque chose de bien, mais il s'est élégamment retiré du projet sachant que Mickey Rourke était le choix initial du réalisateur (pas des producteurs). A la fois homme de spectacle et boxeur à la retraite, visage reconstruit par la chirurgie plastique, Rourke fait évidemment écho au personnage du catcheur Randy, et ajoute, par un effet de mise en abîme, la profondeur du réel à un film qui emprunte parfois à la démarche documentaire (la directrice de la photo, Maryse Alberti, avait participé à de nombreux documentaires).

Paradoxalement, cet "effet de réel" sert un personnage qui vit dans le vide d'un environnement "fake" : 
- le catch, simulacre de combat ;
- le strip club, où Cassidy (Marisa Tomei, ci-contre) lui fait des "lap dances", simulacres d'amour physique ;
- le "heavy metal" des années 80, à tendance "glam rock", simulacre androgyne du rock couillu ;
-"la société", où la légende du catch insiste pour qu'on l'appelle par son nom de scène, Randy, alors que son nom est Robin Ramzinski. 

Avec la société "hors ring", Randy a rompu pratiquement toutes les amarres (à part un boulot intermittent de manutentionnaire, nécessité oblige), au point de perdre tout contact avec sa fille. 
Randy n'existe que par le catch, pour le catch. 
Pas pour les coups qu'il donne ou reçoit, mais pour les hourras du public. 

Son corps est malmené, amoché, empoisonné, souffrant. Même sa voix est cassée.

Aronofsky nous le présente comme une victime.

Entre deux lap dances, Cassidy cite inopinément un passage du film "The Passion of Christ", de Mel Gibson. 
Et le personnage du catcheur à l'agrafeuse et à la fourchette est une sorte de simulacre dégénéré du Christ de "Mad Max" : son combat (ci-contre) avec le Bélier sacrifié est une icône moderne de la Passion (selon Aronofsky).

La référence au film de Mel Gibson est pertinente : comme quelque part dans "The Passion of Christ", on est, avec le catch, plus dans le simulacre des jeux du cirque que dans le sacrifice christique.

De quoi Randy est-il victime ? De la société de l'entertainment ?

Il comble un vide avec du "fake". Le vide des muscles gonflés de ses potes catcheurs.
Avec ses cheveux longs peroxydés et son visage refait, Rourke incarne le vide narcissique sous la forme féminine du culte de l'apparence. 

Mais ce qui est génial dans ce casting, c'est que Rourke a l'air plein
De dos (cf les nombreux plans où la caméra le suit en plan rapproché) c'est un bélier : il est râblé, dense, une armoire à glaces. De face, son visage   tuméfié, sa "gueule cassée, lui donnent une profondeur "historique" évidente. C'est Hercule en petite vieille…

…avec une âme d'enfant… Mickey Rourke incarne bien ce loser attachant qui ne vit que par son public, et qui en même temps, dans la vie ordinaire, témoigne d'une certaine pudeur et humilité.

A l'issue de la répétition de la Passion avec le barbu à l'agrafeuse, Randy fait une crise cardiaque. 
A la fin, il retourne sur le ring pour son dernier combat. Il sait que celui-ci se terminera par sa signature en forme de baroud d'honneur : son ultime saut de l'ange, celui dont il ne se relèvera pas.
Avant de commencer, il s'adresse à son public : "Now I don't hear as well as I used to and I forget stuff and I ain't as pretty as I used to be but god damn it I'm still standing here and I'm the Ram. As time goes by, as time goes by, they say "he's washed up", "he's finished", "he's a loser", "he's all through". You know what ? The only one that's going to tell me when I'm through doing my thing is you people here!"

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