Au début, couleurs automnales d'un été indien. L'environnement, celui des campus américains, est agréable, avec des grands arbres, des pelouses… On se dit que ces lycéens ont bien de la chance, comparé à leurs homologues français ! Cette beauté des extérieurs ne fera qu’accentuer l’intériorité du malaise, celui d’une civilisation.
Le film ne repose pas principalement sur l'histoire : avec une liberté et une maîtrise singulières, Gus Van Sant utilise les ressources propres au cinéma pour exprimer un point de vue "divin" sur ce fait-divers crapuleux (qui a eu lieu le jour de l’anniversaire d’Hitler).
Gus Van Sant avoue s'être fortement inspiré des films de Bela Tarr, le maître hongrois du plan-séquence. A la question
que Libération avait posée au cinéaste en 1987 -"Pourquoi filmez-vous ?"- Bela Tarr avait répondu : "Parce que je déteste les histoires, puisque les histoires font croire qu'il s'est passé quelque chose. Or il ne se passe rien : on fuit une situation pour une autre. De nos jours, il n'y a que des situations, toutes les histoires sont dépassées, elles sont devenues lieux communs, elles sont dissoutes en elles-mêmes. Il ne reste que le temps. La seule chose qui soit réelle, c'est probablement le temps. "
que Libération avait posée au cinéaste en 1987 -"Pourquoi filmez-vous ?"- Bela Tarr avait répondu : "Parce que je déteste les histoires, puisque les histoires font croire qu'il s'est passé quelque chose. Or il ne se passe rien : on fuit une situation pour une autre. De nos jours, il n'y a que des situations, toutes les histoires sont dépassées, elles sont devenues lieux communs, elles sont dissoutes en elles-mêmes. Il ne reste que le temps. La seule chose qui soit réelle, c'est probablement le temps. "
Dès les premières scènes, on a cette distance esthétique, avec l'adagio triste et majestueux de la sonate au Clair de Lune de Beethoven alors que les jeunes jouent au football américain.
Puis la caméra aérienne suit les adolescents au fil de leurs pérégrinations dans les couloirs du lycée Columbine. Elle est à hauteur d'épaule, comme un daimon, un ange-gardien (cf l'imprimé "Lifeguard" sur le sweat-shirt rouge à croix de Nathan, un des footballeurs ; cf aussi les contre-plongées sur le ciel avec les nuages en mouvement, au tout début du film, et juste avant la séquence de la fusillade).
Aucun bruit de pas lorsque les lycéens déambulent : comme s’ils étaient des fantômes, déjà morts…
Plus tard, dans la scène de la fusillade dans les couloirs, on retrouve l’esthétique des jeux guerriers vidéo avec la manière de courir des personnages et les panos (en caméra subjective ?).
Usage extraordinaire du volume sonore qui crée une confusion délirante dans certaines certaines scènes où diverses conversations s'entremêlent sans qu'aucune ne ressorte davantage ; ou lorsqu'une répartie se détache, elle n'est pas dite par un des personnages qui est dans le champ. Gus Van Sant raconte : "On a travaillé pendant tout le film avec un MS stéréo, un appareil équipé de deux micros, l'un tourné vers le haut, l'autre vers le bas, qui donne une sorte de son en 3D. Pour ce qui est de l'atmosphère sonore générale, tous les comédiens étaient équipés d'un micro."
Le réalisateur brouille les raccords image/son et crée une confusion typique de nos sociétés de sur-sollicitation sensorielle et d'attention-zapping :
dans les scènes où le blond John (John Robinson) arrive dans la salle des profs ou lorsque les élèves discutent en classe sur "Peut-on deviner que quelqu'un est gay en observant sa démarche etc… ?"
dans les scènes où le blond John (John Robinson) arrive dans la salle des profs ou lorsque les élèves discutent en classe sur "Peut-on deviner que quelqu'un est gay en observant sa démarche etc… ?"
Quand Alex (Alex Frost), un des deux marginaux ostracisés, va dans la cafétéria pour faire les "repérages" de la tuerie, le brouhaha va croissant jusqu'à atteindre un chaos sonore de pandémonium.
Le mixage, avec les effets de réverbération, contribue à faire du film un véritable "trip", mais un bad trip de solitaire psychopathe.
Quant aux paroles énoncées lors des discussions (les filles en particulier), elles ne sont que "paroles-bruits" : commérages, mépris, superficialité…
La photo (pellicule, pas l'image électronique) est un refuge. Elias (Elias MacConnel, ci-contre) vit dans sa bulle.
L'angle légèrement incliné rend délirant le plan de la fille (Kristen Hicks) qui marche dans la salle de gym.
Travail sur les démarches : elle court lentement, John marche vite avec nonchalance.
Travail génial sur le temps du récit.
Séquence hallucinante qui commence avec l’arrivée des trois pétasses au réfectoire, puis passage dans les cuisines : le montage, la musique, les mouvements de caméra…
J’ai aussi aimé la scène où l’étudiant black va courageusement à la rencontre du tueur.
Je n’ai pas compris la raison d’être du plan sur la nuque d’Alex pendant qu’il joue la « Lettre à Elise » de Beethoven.
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