Nombre total de pages vues

dimanche 10 juillet 2011

"The Ghost and Mrs Muir" de Joseph L. Mankiewicz (1947) avec Gene Tierney, Rex Harrison et George Sanders

"I'm here because you believe I'm here. Keep on believing, and I'll always be real to you"
C'est probablement son sujet éminemment cinématographique (une relation amoureuse entre un "vivant" et un fantôme) qui a fait de ce film un classique : nous aimons croire aux fantômes projetés sur des draps blancs dans des salles obscures…

"The Ghost" traite aussi de l'inspiration créatrice : la rencontre amoureuse entre Lucy (magnifique Gene Tierney) et le capitaine Daniel Gregg (Rex Harrison) ne pouvant se faire au plan physique, elle est sublimée dans la coécriture. Le fantôme évoque lui-même
la possibilité qu'il ne soit que la muse de l'écrivain (d'où peut-être son chapeau incroyable ci-contre, lorsqu'elle se rend chez l'éditeur). Peut-être aussi que pour Mankiewicz, la voix de l'âme passe de manière privilégiée par l'écrit.

Mais personnellement, ce que je préfère, ce n'est pas le cœur fantastico-romantique du film, mais les scènes secondaires comiques, où le scénario joue sur les différentes perceptions du fantôme : seule Lucy voit et entend le fantôme ; les autres ne l'entendent que rarement (et uniquement quand il vitupère contre eux). Le procédé produit des scènes cocasses :
- quand la belle-mère et la belle-sœur de
Lucy lui rendent visite à White Cliff, son nouveau cottage, Daniel leur est totalement invisible et inaudible. Eva, la belle-sœur, remarque son portrait accroché au salon : "And what a hideous painting !" 
Daniel   : "Anyone with a face like yours, madam, should steer clear of expressing such opinions".
- chez l'éditeur Sproule qui entend "Come back here you …" quand il veut virer Mrs Muir de son bureau ;
- dans le train (ci-contre), quand il hurle "Clear off you blasted crab" à un vieux à casquette et rouflaquettes, qui veut entrer dans leur compartiment, et qui répond interloqué "I beg your pardon, Madam"…

Un film très neat, avec un côté un peu hitchcockien : la musique de Bernard
Herrmann, les intérieurs très cosy, le site (la maison sur les falaises au-dessus de la mer, les collines où viennent paître des moutons), les ombres mouvantes des branchages dans son cottage, les superbes arrière-plans d'arbres flous dans les scènes d'extérieur. Mais en plus, avec Mankiewicz, on a toujours un niveau de langage particulièrement élevé. 

La voix délibérément rocailleuse et gutturale de Rex Harrison m'agace.

"It's been a dream, Lucia", dit le fantôme avant de quitter son amour impossible sur terre. Sur ce mensonge pieux, qui contredit ses paroles précédentes (cf le

début du message), Mankiewicz s'autorise le seul effet spécial du film : un simple fondu enchaîné, le corps spectral disparaissant progressivement et définitivement dans le décor, une fenêtre ouverte sur la mer.

Lucia va, si l'on peut dire en la circonstance, "lâcher la proie pour l'ombre", en se laissant séduire par le volage Miles Fairley (George Sanders).
- "You said I should see men" s'était-elle défendue, lorsque Daniel avait manifesté sa jalousie.
- "I said men, not perfumed parlour snakes !".

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire