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mercredi 30 novembre 2011

"Thérèse" d'Alain Cavalier (1986) avec Catherine Mouchet, Hélène Alexandridis, Aurore Prieto, Clémence Massart-Weit

Lucie : "J'ai fait un rêve. J'ai rêvé que je m'évadais.
La Prieure : "Ce n'est pas une prison. Vous pouvez sortir par la porte."

Après de nombreux film de prison et d'évasion, un film sur La Libération.

Et comme en écho à la scène de "Papillon" (cf le post antérieur) où Steve Mac Queen sort la tête de son cachot, cette scène au parloir, où Thérèse passe la tête à travers le guichet ouvert de la grille. Alors que Papillon survit à la

famine et aux sévices brutaux qui lui sont imposé, Thérèse est gentiment palpée par le médecin (ci-contre) qui s'enquiert :
"- Vous avez bon appétit ?
- Oui, trop.
- Comment trop ?"
Thérèse fait une demande de parole à la prieure, et explique : 
"- J'ai eu faim. Surtout la nuit. Et froid. Ça m'empêche de dormir."

Le médecin tâte son cou, regarde sa gorge, ses yeux, puis la repousse. Thérèse se retient de rire.
"- C'est un peu d'anémie. Mettez-la au 
gras même si ça coûte. Donnez-lui de la viande pendant un mois. Rouge."

Il y a Catherine Mouchet, qui incarne magnifiquement Thérèse, telle qu'on peut l'appréhender à travers la lecture de ses carnets. A l'opposé de l'image caricaturale de la nonne : pleine de vie (pas éteinte), de clarté (pas sombre), d'énergie (pas mièvre), terrienne (pas éthérée). "Une vraie rencontre", dit Cavalier, lorsqu'il parle de la première séance d'essais où il découvre "ce côté direct, innocent, cette masse d'énergie et d'amour de la vie." Elle est merveilleuse d'expressivité et de justesse.
Le moindre mouvement de son visage est fluide, juste.

Il y a sa direction superbe par Cavalier. Lorsque la vieille sœur meurt dans les bras de la petite, celle-ci lui recouvre délicatement les yeux de sa paume et se love tendrement contre elle : quel beau geste !

Il y la forme audacieuse et si réussie de Cavalier : lumière du jour provenant du "ciel" ; dominantes de noirs (robes, pèlerines et bonnets des sœurs) et blancs (draps, cierge), où la couleur d'une fleur prend tout son éclat ; rythme alerte du
montage via des fondus au noir, silencieux et rapides, déroulant une suite de tableaux épurés, où sur un fond stylisé (murs nus peints à l'éponge), les êtres et les choses "jouent", deviennent évocation théâtrale. Et ça marche constamment. Quand le théâtre, à travers l'artifice, ouvre à une vérité.
Cavalier raconte avoir cherché à "n'avoir que les têtes, et, derrière, un fond uniforme, pour mettre en valeur les têtes. J'ai toujours ce problème de mettre en valeur les regards".
Dans une scène (ci-dessous), l'artifice est étonnant, limite incongru, quand la nuit de Noël, les sœurs se passent amoureusement le petit Jésus en bois offert par un menuisier et sa femme : on entend ses pleurs de bébé !
Cavalier dit qu'il a voulu surprendre, transgresser, dans certaines scènes, comme celle où une sœur avale le crachat tuberculeux de Thérèse ; où celle où Thérèse traîne du pied le crucifix par terre… "On joue très sérieusement avec le spectateur"…

Les rapports entre les sœurs sont chouettes, intelligents.

Scène bouleversante entre Céline et Thérèse : "- Je souffre - Tant mieux !" "-Je ne souffre plus - Tant mieux !" Bouleversante de vérité sur ce mystère de l'économie divine de la souffrance.

Et les dernières paroles, ô combien bouleversantes, de Thérèse, lorsqu'alitée, elle bat doucement un éventail devant la croix accrochée au dos de son lit. Pauline (off) lui dit : "Vous vous êtes remis ensemble ?". Thérèse répond, très bas : "Le pauvre, il est un peu seul."

"Je n'ai pas tourné un seul plan qui ait obéi aux lois de l'argent", dit Cavalier en parlant de l'ensemble de sa carrière. Et en évoquant ses méthodes de travail, il regrette "ce mal dont on souffre en France : l'impérialisme de l'écrit, qui débouche souvent sur du vide."

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