Chef d'œuvre somptueux. LE Western classique abouti, ou adulte.
Lyrisme viril où l'expression, tenue et "classe", est toujours proprement cinématographique (image, situation, mise en scène).
Une mine d'or pour un apprenti cinéaste…
John Ford part du réel et le stylise :
- l'écho d'un cri dans le silence des buttes rouges de Monument Valley ;
- la fumée des décombres du ranch des Edwards après le massacre, découvert à l'aube par Ethan Edwards (John Wayne).
Film probablement à l'image de son auteur:
- couillu et rude comme le "Move!" hurlé par Ethan à ses deux jeunes acolytes, Martin Pawley et Brad Jorgensen, et qui résonne en écho dans une arche de pierre;
- humain et réaliste.
John Ford sait magnifiquement allier ces deux aspect pour créer une tension en utilisant les ressources de la musique, des cadres, des situations, comme ces sublimes plans de crépuscule (en Technicolor), lourds de menace, dans la scène où la famille va se faire attaquer par les Comanches.
C'est tellement intense parfois que j'accueille avec plaisir les scènes plus légères avec les personnages moins réalistes, plus "typés", comme Mose, le "dou dingue" prophétique.
Film riche, où Ford passe brillamment d'un registre à l'autre :
- genre : le western réaliste (tout ce qui a trait à Ethan, "l'adulte" en prise avec le concret) et le conte initiatique (tout ce qui a trait à Martin, le jeune, plus insouciant) ;
- décor : Monument Valley, désert aride sous un ciel cobalt, et des forêts enneigées ;
- narration : au départ, l'intrigue semble être linéaire, simple et chronologique, jusqu'à ce que les "Searchers" se heurtent à une première défaite, et s'accrochent, entrant dans une autre temporalité. Singulière façon de faire arriver la voix-off de Martin en tant que narrateur, après 45 minutes de film.
- style : brut de fonderie (les batailles) ou par suggestion (de nombreuses scènes "psychologiques").
- personnages : le prétendant bellâtre (joué par Ken Curtis), présenté comme un peu ridicule, avec son défaut de prononciation liée à sa dentition "Ultra-Brite", se transforme en un parfait crooner quand il se met à (bien) chanter à Laurie… Dans la même scène, on passe donc d'une approche "comédie" à une approche "romantique"…
Les personnages principaux sont intrigants, en particulier Ethan, solitaire ambigu et au passé trouble. Il a même un côté "Lucky Luke" vers la fin ; mine de rien, il tire plus vite que son ombre et sait faire tournicoter son pistolet avant de le rengainer.
Film sur la filiation spirituelle, sur trois générations, où les figures du "pater familias" et du "searcher" s'entremêlent… comme si l'on devait se chercher ses propres ascendants/descendants.
Ward Bond / le "grand-père" / Samuel Clayton / le capitaine-réverend
John Wayne / le "père" / Ethan / "Big Shoulders" selon le chef indien "Scar"
Jeffrey Hunter / le "fils" / Martin / "He who follows"
"I hope you'll die" hurle Martin à Ethan, son modèle paternel qui vient de tout lui léguer, mais qui reste raciste, alors que Martin a du sang indien. "That won't be the day" répond le vieil aventurier borné, blessé mais toujours vaillant.
A cette famille de pionniers "couillus" faite d'étalons (cf le hennissement de Samuel) et de femmes qui aiment regarder les hommes se battre, Ford oppose clairement la famille "bourgeoise" représentée par le jeune messager du régiment de cavalerie (ci-contre).
La vraie cavalerie, c'est eux, la famille du réalisateur borgne qui perdit son œil alors qu'il tournait en pleine bataille navale dans le Pacifique. "Let's go home, Debbie", dit Ethan à la prisonnière du désert lorsqu'il la prend pour la deuxième fois dans les bras, dans ce moment-miracle du cinéma… et John Wayne appellera son prochain enfant John Ethan…
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